Ah! Le beurre de peanut! Comment ai-je fait pour survivre durant
trois mois sans cet élément à la base de l’alimentation de tout bon Québécois? Heureusement,
Vicki a eu la gentillesse de bien vouloir ajouter un kilo à ses bagages pour
m’en apporter un pot. Du Kraft en plus! Les Européens ne savent pas ce qu’ils
manquent…
Mais ce n’est pas tout : en plus du beurre d’arachides,
j’ai eu droit à de la sauce à poutine et à du sirop d’érable! Ce dernier nous a
d’ailleurs servi de prétexte pour nous faire un calorique, mais ô combien
savoureux déjeuner d’amoureux. La veille, je suis passé au Pan des Azucar, un
resto où travaillent deux de mes colocs et qui se spécialise en crêpes, pour
demander à Christina, la patronne, s’il lui était possible de nous vendre un
peu de son succulent mélange à crêpes. Elle s’est dirigé vers la cuisine et en
est ressortie avec deux bouteilles de 500ml pleine du convoité liquide. « Je
vais te charger comme si c’était de l’eau. 2,40euros. » Avec assez de mélange
pour faire plus de dix grandes crêpes, ça ne revient pas cher l’unité! Et donc,
arrosées du sirop divin, accompagnées de fraises, de bananes et de dulce de
leche, ces crêpes ont constitué le meilleur déjeuner qu’il m’a été donné de
manger depuis que j’ai traversé l’Atlantique!
Pour continuer dans cette lancée gastronomique à la
Québécoise, j’ai invité Vincent et Anna (le Français et la Colombienne) à venir
savourer les meilleurs, ou du moins les plus typiques des plats de chez nous.
Puisque limité quant à la quantité de sauce, je leur ai servi en entrée une
poutine improvisée, avec des frites maisons et un bloc de fromage émietté en
guise de fromage en crottes. Vincent a semblé adorer, alors qu’Anna me paraissait
faire un certain effort pour donner des commentaires positifs... Le plat de
résistance a par contre fait fureur : je leur ai préparé rien de moins
qu’un délicieux pâté chinois dans la plus pure tradition québécoise! Et pour
dessert, je ne pouvais évidemment pas les laisser se lever de table sans qu’ils
n’aient goûté au sirop d’érable!
Bien qu’ils m’aient assuré avoir beaucoup apprécié cette
expérience culinaire, je crois que je suis celui qui s’est le plus régalé lors
de cette soirée!
Le dimanche soir, comme pour conclure en beauté le premier week-end
valencien de Vicki, nous sommes allé assister, dans un petit bar du centre, à
un spectacle de flamenco qui me donne encore des frissons rien qu’à y penser.
Dans un coin du bar, une minuscule scène s’élève, surmonté de trois chaises
adossées au mur. Sur deux d’entre elles sont assis le chanteur et le guitariste
alors que le percussionniste est à cheval sur une caisse de bois. Devant et à
gauche de la scène, une quarantaine de personnes sont assises sur les chaises
disponibles et au moins autant restent debout, dont nous deux. Faisant taire la
modeste foule, le guitariste laisse échapper de sa guitare quelques accords d’échauffement.
À son tour, le percussionniste commence à taper sur la face avant de sa boîte
de bois, qui émet des sons de grosse caisse (bass drum) lorsque frappée au
centre, et de caisse claire (snare) si on la tape en bordure. Comme pour se
mettre dans l’ambiance, le chanteur tape doucement dans ses mains au rythme de
la musique. C’est alors qu’il s’y met : sa voix rauque à la Gipsy King, accompagnée de mimiques faciales expressives, chantait et
criait chacun des ses mots avec passion. Il ne nous en fallait pas plus pour que
des frissons nous parcourent le corps tout entier. Pourtant, il y avait
plus : Léo. Applaudi par ceux qui semblaient les fidèles de l’endroit, un
homme vêtu en complet est monté sur la scène et s’est assis sur la chaise qui
restait. Les yeux fermés, il s’est laissé imprégner de la musique durant
quelques minutes pour finalement se lever et nous offrir un spectacle qui
m’aurait jeté en bas de mon siège si j’en avais eu un. Un tonnerre de toc, de
clap et de clac parfaitement synchronisés avec le reste de la musique faisait
vibrer l’air, fendue à la fois avec grâce et fougue par les mouvement de Léo.
Tout aussi expressif que celui du chanteur, son visage s’est vite couvert de
sueur. Des «Olé Léo!» lancés par une habituée et les clappements de mains de la
foule accentuaient le rythme de la musique qui à chaque crescendo me faisait
empoigner de plus bel les mains de Vicki. Visiblement exténué de danser de la
sorte, Léo ne s’est offert en performance que durant 4 ou 5 chansons, en plus
d’un rappel chaudement réclamé. Afin de digérer cette dose d’émotions que nous
venions d’absorber, nous sommes tranquillement rentrés à pied en échangeant nos
impressions.
Le lendemain, je n’avais pas de cours alors on en a profité
pour aller faire trempette à la plage et saisir quelques clichés dans les
environs. Au couchée du soleil, nous nous sommes à nouveau laissé tenter par le
même bar que la veille où nous avons assisté à un second spectacle de flamenco,
cette fois beaucoup moins poignant. C’est une femme qui cette fois a occupé la
scène et quoique sa performance fut sans reproche, le manque d’entrain et de
passion des musiciens nous a laissé un peu sur notre faim. Il faut dire que nos
attentes étaient plutôt élevées vu les prouesses du groupe de la veille.
Toujours en congé, nous avons passé une partie de la journée
du mardi sur la site de l’America’s Cup. Pas grand-chose à voir si ce n’est des
lounges trendy destinés au jet set et les kiosques promotionnels des
innombrables commanditaires de la compétions. Pourtant, des centaines de
personnes font la file chaque jour devant les détecteurs de métal pour entrer
sur le site.
Mercredi, nous nous sommes rendus tôt à Sagunto, une petite
ville à une trentaine de kilomètres au nord de Valence, pour y faire un peu de
trekking autour d’un magnifique château. S’étant trompé de sentier à partir de
la moitié de la promenade, on est passé près de rapporter quelques égratignures
en souvenir. Tout s’est tout de même bien déroulé et nos yeux se sont régalés,
tout comme notre estomac qui a eu droit à un pique-nique au pied du château,
arrosé d’une boîte d’un litre de vin à 59¢. Nous avons terminé la journée par
la visite de l’intérieur du château ainsi que de son voisin, un amphithéâtre
romain tellement rénové qu’on dirait une construction neuve.
Encore une fois, je crois que cette balade n'aurait jamais été aussi agréable si je l'avait fait seul ou avec qui que ce soit d'autre que Vicki. Elle agit comme un catalyseur sur tout ce que je ressens, et me fait voir tout d'une autre manière. De la manière dont j'ai toujours voulu voir.